À propos

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« Le zeugme est l’association, à un même mot, de deux éléments incompatibles puisqu’ils se construisent de façon différente sur le plan syntaxique ou sémantique » (merci, BDL)

Le zeugme est une anomalie, un accroc.
C’est le petit ben voyons qui fait froncer le sourcils, l’hypocrite décalage par lequel la phrase saute comme le vieux disque rayé, comme la pointe de soulier qui se coince dans la fente de la fausse dernière marche au bout de l’escalier roulant. L’air de rien on sautille un instant en battant des bras puis les poings se glissent lestement dans les poches et on se met à siffloter pour sauver les apparences, on fait comme si tout était sous contrôle malgré l’équilibre rompu.

À zeugme syntaxique et sémantique, la présente revue souhaite ajouter quelque chose comme un zeugme existentiel. La mise en exergue de cet infime déphasage de rien du tout, suffisant pour partir en dérapages contrôlés et moins contrôlés, nous apparaît comme un exercice essentiel à l’existence.
Rien de moins.

La revue Zeugme, c’est donc l’incompatible, le décalé.
C’est un espace pour dire les choses et les gens, pour se réconcilier avec le fait que nous sommes, nous aussi, de petites anomalies. Surtout quand la vie nous effraie davantage que la mort, ou quand nous craignons par-dessus tout que notre verre contienne un nombre impair de glaçons, ou quand le commis du Subway avec ses questions et son air tellement plein de sollicitude devient une source d’angoisse amère, ou quand dormir sans notre peluche favorite (ce poney râpeux aux yeux émiettés, celui rendu informe à force de billes entassées au bout des pattes) est inconcevable.

Aussi, Zeugme a décidé d’être rebelle – mais pas rebelle au sens  « Rebelle et lion font rébellion », pas rebelle au sens Wikihownon. Rebelle au sens littéraire, au sens où l’entend David Foster Wallace :

The next real literary “rebels” in this country might well emerge as some weird bunch of anti-rebels, born oglers who dare somehow to back away from ironic watching, who have the childish gall actually to endorse and instantiate single-entendre principles. Who treat of plain old untrendy human troubles and emotions in U.S. life with reverence and conviction. Who eschew self-consciousness and hip fatigue. These anti-rebels would be outdated, of course, before they even started. Dead on the page. Too sincere. Clearly repressed. Backward, quaint, naive, anachronistic. Maybe that’ll be the point. Maybe that’s why they’ll be the next real rebels. Real rebels, as far as I can see, risk disapproval. The old postmodern insurgents risked the gasp and squeal: shock, disgust, outrage, censorship, accusations of socialism, anarchism, nihilism. Today’s risks are different. The new rebels might be artists willing to risk the yawn, the rolled eyes, the cool smile, the nudged ribs, the parody of gifted ironists, the “Oh how banal.” To risk accusations of sentimentality, melodrama. Of overcredulity. Of softness. Of willingness to be suckered by a world of lurkers and starers who fear gaze and ridicule above imprisonment without law. Who knows.

― David Foster Wallace, « E Unibus Pluram: Television and U.S. Fiction », 1993.

 

La revue Zeugme répond à notre besoin viscéral de dire et de se dire, dans tout ce qu’on a de humain, avec tout ce que ça comporte de beau et de moins beau. Elle se veut à la fois un espace de questionnement et de résistance; elle est un peu l’occasion d’une contestation ou d’une relecture des codes normalisés de l’existence par la confrontation d’autant d’idées et de façons d’être au monde.

Nous sommes d’éternelles gamines et, sans prétention, nous ripostons ici à coups de mots crus, sincères, pour échapper de notre mieux à la rectitude bien-pensante et formatée du discours social qui annule la poésie des petites choses.
Quand bien même les autres rouleraient de grands yeux blasés, quand même ils.elles pousseraient un soupir avec une moue indulgente, rien n’y fera. Nous resterons des enfants mal grandies, des emos réformées qui ont encore du mal à gérer leur vie sur le sens du monde, et nous chercherons toujours à voir la beauté que contiennent nos faiblesses.

Comme le disait un post tumblr il y a quelques années, qu’est-ce qui arrive à la teen angst une fois qu’on a 20 ans ? Elle est diagnostiquée trouble anxieux.

Avec Zeugme, on canalise de notre mieux.

 

Signé les éditrices, Anne-Sophie Boudreau et Virginie Savard.

 

 

ANNE-SOPHIE BOUDREAU [présentation] n’aime pas du tout se présenter. Parler d’elle constitue l’une de ses plus grandes angoisses (ça, et choisir son siège sur un vol longue distance). Elle préfère généralement les animaux aux êtres humains et fait preuve d’une tendre fascination pour la beauté des choses mortes, comme les dinosaures et les cimetières. De sa banlieue natale, elle traîne une fâcheuse tendance à juger les gens et à échouer ses parkings en parallèle, mais elle fait beaucoup d’efforts pour s’améliorer (Maman, je t’aime c’est rien contre toi). Elle chérit son syndrome de Peter Pan et son mémoire la fait chier, parce qu’elle est complètement nulle comme adulte.

 

VIRGINIE SAVARD pense plusieurs fois par jour à sa propre mort. Selon les principes du bouddhisme, cela fait d’elle une personne heureuse. Sa psy n’est pas d’accord. Vivant au quotidien avec un trouble anxieux généralisé à tendance dépressive, Virginie Savard écrit des poèmes, en lit des tonnes, déteste les anniversaires, l’été, la crème fouettée et les nombres pairs (de glaçons dans les verres, d’émoticones ou de nombre de fois où elle vérifie si la porte est verrouillée). Elle passe beaucoup plus de temps à penser qu’à agir et préfère parler d’elle à la troisième personne parce que ça donne l’impression qu’elle est quelqu’un d’autre.

 

 

** Les textes et les fichiers multimédias publiés par Zeugme sont protégés par une licence Creative Commons CC-BY-NC-ND.

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