Par Geneviève Dufour
j’habite ton souvenir
au sous-sol de mes errances
à force de te fabriquer
j’ai les mains pleines de villages
l’autoroute Charest ne sera plus
ta photo ruisselle sur les voitures
la routine t’estompe
à coups d’essuie-glaces
trop souvent je maquille
les lettres de ton nom
*
rue Taillon tu n’as pas eu le temps de crier
la foudre t’a adopté
ton corps charbon fissuré
me demande de lui construire une maison
je cogne aux portes
je cherche du bois des clous
c’est toi qui réponds
tu surgis
derrière toutes les portes
face au bâtiment noir
tes décombres en éclats de verre
s’éternisent sur la structure
tes acrobaties nocturnes dose d’adrénaline
on a tous besoin
de se sentir vivant
mais
attends ne grimpe
pas là s’il te
plaît
c’était juste une erreur d’enfant
ça ne compte pas on recommence
on revient en arrière
ta mère qui hurle son étouffement
tes amis qui punchent le vide
leurs cauchemars se déversent
dans nos rivières
*
aux obsèques
nos vies incohérentes
absorbent des crudités
des humains
que tu ne traverseras pas
en une fraction de seconde
la logique se fracasse au sol
et l’impuissance s’infiltre
dans nos murs qui bombent
lundi matin
dans le cours de maths de mon frère
une chaise vide irradiait
notre banlieue hurle à la lune
nos jeux d’enfants en berne
mon cœur
valse avec ta mère
je t’offre ici quelques planches pour une cabane
une petite maison à t’ériger rue Taillon
pour les hivers rudes
nous serons toujours là